Un policier municipal de Seine-Saint-Denis est accusé d’avoir uriné sur deux mineurs, tandis que le chef de la brigade est soupçonné d’avoir caché les violences à l’encontre de ces deux jeunes.
D’après l’enquête réalisée par Mediapart, publiée jeudi, les faits remontent à la période du premier confinement, dans la nuit du 17 mars. Ces adolescents accusent deux agents de les avoir frappés, insultés mais aussi de leur avoir uriné dessus, avant d’être conduits au commissariat. Toutefois, les policiers n’étaient pas au courant que l’un des adolescents avait un grand frère, agent de la brigade anticriminalité (BAC).
Les faits
Trois jeunes amis, âgés de 14 ans et 16 ans, sont dehors malgré le couvre-feu mis en place par le gouvernement pour lutter contre l’épidémie. C’est alors que cette nuit-là, les trois mineurs se font arrêter par la police, après d’abord avoir essayé de s’enfuir. Ils se font interpeller par deux autres voitures de police appelées en renfort.
Ainsi au moment de l’interpellation, l’un des policiers, Yohan C., aurait insulté deux des trois mineurs. Il dit au premier, âgé de 14 ans, que « ce soir, il allait prendre sa mère » et il a ensuite lancé une insulte raciste au second jeune « vu qu’il y a des arbres et que tu es noir, tu peux bien grimper aux arbres ». Ce policier, était chef de la brigade de Saint-Ouen.
« Le policier municipal a ouvert sa braguette, a sorti son sexe et a commencé à m’uriner dessus au niveau des genoux », raconte le troisième adolescent, âgé de 16 ans.
C’est Cédric G., policier municipal de Saint-Ouen, qui est accusé d’avoir uriné sur deux des trois jeunes. D’après le récit de l’adolescent de 14 ans, cet agent a d’abord mis son gant de moto avant de le « gifler à six ou sept reprises ». Deux des trois garçons, allongés par terre contre un muret, se font relever par Cédric G., pour « les allonger au sol face au mur ». C’est ainsi, que l’adolescent explique lors de sa déposition de plainte que « il nous a uriné dessus en disant que ça faisait du bien de se soulager ».
Au commissariat, le garçon explique que : « devant tout le monde, j’ai demandé au policier qui m’avait uriné dessus pourquoi il avait fait ça », mais l’agent Cédric G., a nié les faits avant de lui donner « une dizaine de gifles » et de le prendre « au niveau de la gorge une quinzaine de secondes » en l’étranglant.
Le second jeune de 16 ans, qui s’est également fait uriner dessus, raconte qu’il était en train de finir une livraison et que qu’il n’était donc pas en infraction. Il ajoute qu’il n’a jamais été irrespectueux aux moments des faits.
« J’ai dit que j’avais mon attestation car je sortais du travail mais ils ne m’ont pas cru et m’ont jeté dans un coin avec deux autres individus. (…) ils m’ont mis des coups de matraque au niveau du genou droit et au genou gauche », raconte le jeune adolescent.
Il précise notamment que Cédric G. « était accompagné d’une dizaine d’autres policiers municipaux qui ont vu les faits ».
Les deux policiers démentent
Alors que le frère d’une des victimes est agent de la BAC, ce dernier se rend directement au commissariat lorsqu’il a vu son frère entrer en pleurs, rapporte l’enquête de MediaPart. À la rencontre de Yohann D., le chef de la brigade, il nie à son tour. L’agent de la BAC, averti qu’il portera plainte, et qu’il alertera la mairie de Saint-Ouen qui lancera ensuite une enquête administrative. Le grand frère dit avoir gardé les affaires dès son petit frère sous scellés, afin de peut-être y retrouver de l’urine de l’agent accusé.
Cédric G. nie ces accusations, en déclarant qu’il avait « pincé son sexe » pour se retenir d’uriner et qu’il souffrait d’une « prostate fragile ». Il change ensuite de discours lors de son interrogatoire, il confirme avoir sorti son sexe mais « de manière non intentionnelle ». Ses collègues, présents, disent l’avoir entendu dire « putain, j’ai envie de pisser » et se placer « face aux jeunes à environ un mètre de distance ». Toutefois, ils déclarent n’avoir vu aucun jet d’urine.
Preuves à l’appui
Une vidéo « filmée par un policier municipale au commissariat », montre Cédric G. gifler à trois reprises le mineur de 14 ans, « alors qu’il est menotté, puis violemment l’agripper par le col, le secouer et le traîner brutalement », nous apprend MediaPart, confirmant ainsi le récit du jeune. Le policier qui filmait, David L., n’a pas réagit mais se moquait de la scène. Le policier municipal accusé, ne savait pas qu’il y avait une vidéo, c’est alors qu’il confirme l’avoir giflé, mais selon lui « le gamin a pris deux baffes, je n’appelle pas ça tabasser », a-t-il dit.
Suspendu mais recruté dans une autre municipalité
La municipalité de Saint-Ouen a « immédiatement suspendu » Cédric G., mais aussi Yohann C., le chef de la brigade. Cependant, seul l’agent accusé de violence et d’exhibition a été poursuivi, et passera devant le tribunal de Bobigny, le 15 décembre. Les autres dont Yohann C., n’ont rien à craindre selon l’enquête, malgré le fait d’avoir tenté de dissimuler les faits.
Toujours selon MediaPart, Yohann C., est de nouveau de service, dans un poste à la mairie d’Argenteuil. Et l’agent poursuivi a aussi été réembauché en tant que policier, dans la municipalité de Blanc-Mesnil.