Maria Malagardis, journaliste de « Libération » et spécialiste du génocide des Tutsi au Rwanda, a comparu jeudi devant le tribunal correctionnel de Paris. En 2020, elle avait qualifié Aloys Ntiwiragabo de « nazi africain ».
C’est après la parution d’une enquête de Mediapart qui révélait qu’Alyos Ntiwiragabo, soupçonné d’être impliqué dans le génocide des Tutsis au Rwanda, se trouvait dans la banlieue d’Orléans, que la journaliste a tweeté : « Un nazi africain en France ? Quelqu’un va réagir ? », afin d’interpeller le gouvernement. Quelques jours plus tard, Aloys Ntiwiragabo portait plainte pour « injure publique ».
« J’ai réagi après avoir lu l’article (…) C’est une réaction spontanée, à la hauteur de cette découverte exceptionnelle. Il n’a pas été jugé et il est donc présumé innocent, mais la fonction qu’il a occupée en 1994 pose question », affirme la journaliste lors de son audience.
Selon Benjamain Chouai, avocat d’Aloys Ntiwiragabo, « traiter quelqu’un de nazi est outrageant et injurieux », il ajoute que son client doit faire valoir ses droits. Le Tribunal rendra son verdict le 15 mars prochain et déterminera si les propos de Maria Malagardis sont constitutifs d’une « injure publique ».
Qui est Aloys Ntiwiragabo ?
Dès 1993, Aloys Ntiwiragabo est à la tête des renseignements militaires de l’état-major des armées rwandaises et continuera d’occuper ce poste lors du génocide des Tutsis. Après l’instauration du Tribunal pénal international pour le Rwanda chargé de juger les responsables de génocide et de crimes contre l’humanité au Rwanda, Aloys Ntiwiragabo, est considéré par le tribunal comme co-responsable de génocide. En 2001, le Tribunal pénal international pour le Rwanda le considère comme fugitif mais l’homme ne sera jamais jugé, et le tribunal est dissous en 2015.
Néanmoins, les révélations de Mediapart auront pour effet de pousser le parquet national antiterroriste à ouvrir une enquête pour « crime contre l’humanité » le concernant. Le Rwanda émet un mandat d’arrêt à son encontre et Interpol une notice rouge afin de permettre une arrestation provisoire et de faciliter son extradition. Cependant, l’homme est toujours en liberté.
« Les soupçons qui pèsent sur lui sont très lourds, mais les plus hautes autorités judiciaires françaises refusent l’extradition en vertu d’une loi postérieure au génocide. C’est une question de rétroactivité de la loi pénale, du moins c’est l’argument qui est avancé », explique Hélène Dumas à France Culture.