Le parti d’extrême-droite, le Rassemblement national, était jugé cette semaine en appel avec son micro-parti Jeanne et la société de communication Riwal dans l’affaire des « kits de campagne »
Le verdict a été rendu mercredi par la Cour d’appel de Paris. Les trois personnes morales affiliées à l’ancien Front – dont le désormais Rassemblement – national ainsi que sept proches de sa patronne Marine Le Pen, ont été condamnés lors d’un jugement en appel. La RN devra verser 250 000€ d’amende malgré la relaxe du tribunal pour les soupçons d’abus de biens sociaux et de confiance, recel et blanchiment. Le parti n’a toutefois pu échapper à une condamnation pour « surplus des faits » (AFP), dans le cadre des financements litigieux des législatives de 2012. La société de communication Riwal avait alors offert des prêts fantoches en surfacturant auprès du micro-parti du FN Jeanne, dont des candidats ont perçu les indemnités de l’Etat.
Ces fameux « kits de campagne » désignaient en fait les tracts, affiches « personnalisées » et autre site web ; toutes sortes de moyen déployés lors d’une campagne politique. Riwal aurait également fourni des prestations pour présenter des comptes en règle à la Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP), qui est tenue de vérifier le financement des partis. En première instance, le RN avait été condamné en 2020 à 18 750 euros d’amende pour « recel d’abus de biens sociaux », mais le parquet, le tribunal judiciaire de Paris, avait fait appel de cette décision après que les charges pour la surfacturation des « kits » n’avaient pas été retenues en correctionnelle.
Un montage économique douteux
Afin de financer les équipements de campagne, les candidats du FN ont contracté en 2012 des prêts à un taux de 6,5 % auprès du micro-parti Jeanne, lequel achetait les kits à Riwal avec un « crédit fournisseur » qui autorise à rembourser la prestation ultérieurement. La société de communication était alors dirigée par Frédéric Chatillon, ancien président du Groupe Union Défense (GUD), organisation étudiante d’extrême droite. Les députés élus ou ayant échoué avec plus de 5% des voix ont ainsi pu se faire rembourser par le contribuable et reverser l’argent dû à Riwal, sachant que la société ne devait théoriquement toucher aucun intérêt. De fait, le prestataire était de connivence avec Jeanne, sorte de trésorerie du Front national.
Ce circuit fermé aurait in fine permis au parti de ne pas s’endetter tout en s’assurant d’être remboursé abondamment par l’Etat via les surfacturations. Il faut également rappeler que les finances du Front national étaient dans le rouge à cette époque, et que cette manœuvre était un moyen détourné de ne pas plomber davantage sa trésorerie. L’actuel Rassemblement national a donc été disculpé pour tentative d’escroquerie mais a dû se mettre sous main de justice pour ces arrangements entre personnes morales (i.e. groupement de personnes reconnues juridiquement).
« Les magistrates n’ont donc retenu la culpabilité du parti que pour avoir profité d’avantages indus auprès de la société de communication Riwal, notamment l’emploi fictif de deux hauts responsables actuels du parti – Nicolas Bay et David Rachline –, l’achat de matériel et surtout l’octroi au FN d’un crédit sans intérêt de plusieurs millions d’euros pendant trois ans », résume Le Monde.
Plusieurs condamnations
Lors du jugement en première instance en 2020, de nombreux cadres du parti Rassemblement national avaient été condamnés comme N. Bay et D. Rachline. Jean-François Jalkh, juriste du parti et président de Jeanne, et Wallerand de Saint-Just, trésorier, étaient tous deux membres du bureau exécutif du RN ont écopé respectivement d’une peine de deux ans de prison, dont six mois ferme, assortis d’une peine d’inéligibilité de cinq ans, et de six mois de prison avec sursis. Jeanne a été sanctionnée d’une amende de 300 000 euros, dont la moitié avec sursis. Frédéric Chatillon, lui , avait été condamné à 2 ans et demi de prison, dont dix mois ferme, et à une amende de 250 000 euros.