Le président de la République organise à Paris une cérémonie de commémoration d’une grand figure du féminisme, Gisèle Halimi, en cette journée internationale des droits des femmes. L’occasion de revenir sur le parcours et les accomplissements de cette personne brillante et engagée.
Zeiza Gisèle Élise Taïeb, née en 1927, était une femme franco-tunisienne célèbre pour avoir fait avancer les combats féministes et progressistes dans la deuxième moitié du XXe siècle. Elle a ardemment défendu la légalisation de l’avortement, la dépénalisation de l’homosexualité et les combats anticolonialistes. Portant le patronyme de son ex-mari, Gisèle était connue sous le patronyme « Halimi », sans que cette empreinte masculine n’affecte son identité, elle qui, déjà petite, est entrée en fronde contre ses parents – et surtout sa mère – pour recevoir le même traitement que ses frères. Certaines héritières et héritiers de ses luttes réclament que Gisèle Halimi soit panthéonisée après sa mort en 2020.
Une fille rebelle…
Dès sa prime jeunesse en Tunisie, Zeiza Taïeb s’indigne des inégalités entre les sexes au sein de son foyer. Préposée aux tâches ménagères contrairement à ses frères, elle refuse ce « diktat » en entamant une grève de la faim pour obtenir, entre autres, de ne plus faire leur lit. Ses parents cèdent, probablement grâce au soutien du père qui a toujours aimée et respectée sa seule fille dans ses engagements. La mère, en revanche, affichait un rejet clair à son égard, qu’elle n’avait pas désirée. Elle aurait préféré un garçon, une réalité sociale très ancrée à l’époque et qui aurait forgé très tôt la personnalité féministe de Zeiza . Les discriminations sexistes et antisémites qu’elle subit continuent de l’affirmer.
… devenue militante décoloniale…
Après un parcours scolaire et universitaire remarquable, elle est diplômée en droit et décroche deux certificats de licence de philosophie. En 1948, elle est avocate, inscrite au barreau de Tunis puis à celui de Paris. Elle commence sa lutte pour l’indépendance de son pays d’origine et de l’Algérie. Pendant la guerre d’Algérie, Gisèle Halimi devient l’avocate du Front de Libération Nationale (FLN) et choisit de défendre une de ses militantes en 1960. Il s’agit de Djamila Boupacha, accusée d’avoir commis un attentat terroriste. Violée et torturée par des policiers français, cette Algérienne est pourtant condamnée à mort pour des aveux qui lui ont été extorqués. Au lendemain l’indépendance, elle est amnistiée et libérée.
… précurseure de la loi Veil…
En 1971, Gisèle Halimi est la seule avocate parmi les signataires du « manifeste des 343 », un nombre correspondant à un important effectif de femmes déclarant avoir avorté et demandant le libre accès à la contraception et à l’avortement. Sollicitée par la famille de Marie-Claire Chevalier, fille violée et ayant recouru à l’avortement illégal avec le concours de sa mère, elle devient en 1972 la protagoniste du procès de Bobigny qui permet l’acquittement de la victime, alors mineure. Sa plaidoirie d’anthologie a démontré l’iniquité de criminaliser les femmes désirant disposer de leur corps, surtout quand elles ont été abusées. La légalisation de l’IVG est promulguée trois ans plus tard grâce à la ministre Simone Veil.
… et de nombreux engagements féministes…
Au début des années 1970, elle cocrée également le mouvement Choisir la cause des femmes qui entend de prime abord défendre les 343 femmes du manifeste évoqué. Elle devient présidente Choisir à la mort de Simone de Beauvoir, qui avait aussi participé à sa fondation. Au regard des positions égalitaires de Gisèle Halimi sur les hommes et les femmes, le mouvement a décidé de ne pas assister à l’hommage d’aujourd’hui, estimant que sa créatrice n’aurait pas légitimé l’actuelle réforme des retraites portée par Emmanuel Macron, instigateur de la cérémonie. Le fils de G. Halimi, Serge, a également refusé d’y assister, soupçonnant le chef d’État de vouloir instrumentaliser les luttes de la défunte.
🔴⚡️ Hommage national à Gisèle Halimi le #8Mars : dans un communiqué, le fils de l’avocate annonce qu’il n’y participera pas non plus « alors que le pays est mobilisé contre une réforme des retraites extrêmement injuste dont les femmes […] seront les premières victimes. ». https://t.co/2uzRMCTY6X pic.twitter.com/vhlRV84rzB
— Élections 202(2) (@2022Elections) March 5, 2023
… sans compter ses autres activités
Gisèle Halimi a, conformément à son profil militant, œuvré en politique. Elle a été élue députée et travaillé comme conseillère régionale de la région Rhône-Alpes, alors apparentée socialiste. En 1985, elle devient ambassadrice de la France auprès de l’UNESCO, dix ans plus tard elle est membre de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes et cofonde en 1998 ATTAC (l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne). Elle est également décorée de la légion d’honneur en 1997, au titre notamment d’«avocate – un terme féminisé pour lequel elle a lutté -, présidente d’un mouvement féministe ». L’hommage de ce mercredi achèvera, si elle est ensuite panthéonisée, d’honorer les distinctions qu’elle mérite.
Suivez toute l’actualité au quotidien sur notre compte Twitter @CerfiaFR. Pour plus d’infos « Culture », découvrez notre rubrique dédiée.