Les investigations menées par la commission d’enquête de l’Assemblée sur la mort d’Yvan Colonna ont mis en lumière que les compte rendus de détention récents de son assassin, Franck Elong Abé, avaient disparu.
La surveillante de la maison centrale d’Arles est formelle : elle sait que le meurtrier d’Yvan Colonna a prémédité son geste la veille de l’agression. Y. Colonna, assassin du préfet Claude Érignac en 1997, était incarcéré dans la prison arlésienne le 2 mars 2022 lorsqu’il a été tué par un autre prisonnier, Franck Elong Abé. La fonctionnaire assure que l’homme de 36 ans a prononcé cette phrase le 1er mars : « Je vais le tuer ». Elle aurait informé sa hiérarchie en envoyant deux courriers, sitôt la menace entendue. Autre fait troublant consigné par l’agente, l’incriminé a rangé sa cellule le même jour en question. La Commission d’enquête de l’Assemblée nationale pointe d’autres manquements comme l’absence de fiche récente de M. Elong Abé.
Des éléments suspects
L’annonce prémonitoire du meurtre d’Yvan Colonna par Franck Elong Abé, lors d’une conversation cachée avec deux autres détenus, était inconnue des enquêteurs jusque récemment. Le député nationaliste corse Jean-Félix Acquaviva (élu LIOT, Libertés, indépendants, outre-Mer et territoires, LIOT) a révélé hier, mercredi 15 mars, que les membres de la commission – qu’il préside – venaient d’en être instruits. L’information a été retransmise par le service national du renseignement pénitentiaire. D’après Le Monde, « aucun responsable de ce service n’en avait fait état durant les auditions devant la commission, qui a attendu vingt-cinq jours ». Idem pour l’autre détail selon lequel M. Elong Abé aurait remis de l’ordre pour « [faire] le vide ». Le personnel pénitentiaire aurait dû faire remonter ces données immédiatement.
Ce qui interroge le plus demeure l’absence de comptes-rendus récents sur l’assassin de Colonna. Les agents du centre n’ont pas retrouvé trace des événements du 1er mars. Les investigations ont révélé que sa fiche était vide depuis le 29 janvier alors que la surveillante avait renseigné les menaces et comportements de Franck Elon Abé dans le logiciel de signalement Genesis. Comme Colona, il était un détenu particulièrement signalé (DTS) et très contrôlé, en théorie, par l’administration de la prison mais ne présentait aucune « observation » dans le fichier malgré de récurrents incidents – « 4 à 6 par mois », selon M. Acquaviva. La commission soulève aussi une anomalie concernant le QER où M. Elong Abé était censé faire au moins un séjour.
Franck Elong Abé n’est jamais passé par un quartier d’évaluation de la radicalisation (QER) malgré cinq recommandations […]. Ce non-passage est notamment dû aux réticences du Parquet national antiterroriste (PNAT) et du juge d’application des peines, qui s’y sont opposés au prétexte qu’il était trop dangereux pour les autres TIS. Autre étrangeté : en aucun cas un TIS considéré comme dangereux […] ne peut être soumis au régime ordinaire de détention et bénéficier d’un emploi d’auxiliaire, comme c’était le cas [pour M. Elong Abé], indique Le Monde.
Un meurtre symbolique de l’incurie du milieu carcéral
La possible suppression des renseignements sur le détenu seraient symptomatiques d’une volonté de dissimulation, selon Jean-Félix Acquaviva qui a déclaré : « Nous avons les plus grandes interrogations (…) quant à la possible tentative d’effacement de ces données. Nous ne nous interdisons pas tout processus judiciaire ». Le rapporteur de l’enquête diligentée par les commissions des lois en novembre, Laurent Marcangeli, a émis des critiques sur le déroulement de l’affaire : « On ne peut pas laisser au seul pouvoir administratif […] le soin de décider qui est un détenu particulièrement surveillé ou pas en prison. Il faut une judiciarisation de ce type de décision ». Les membres de la commission auront environ deux mois pour faire la lumière sur ces événements, le devant être rendu en mai.