Ce jeudi 12 janvier, une séance a été ouverte à l’Assemblée nationale au sujet d’une proposition de loi visant à étendre le droit de visite des parlementaires aux établissements sociaux et médico-sociaux comme les Ehpad et les établissements d’aide à l’enfance.
Un débat parlementaire s’est tenu hier au Palais Bourbon. Laure Lavalette, rapporteure de la commission des affaires sociales ouvre le débat. Elle rappelle le scandale autour des Ehpad gérés par le groupe Orpéa, une enquête menée par le journaliste Victor Castanet dans Les Fossoyeurs.
« Quand un scandale surgit, qu’entend-on ? « Tout le monde savait. » « Orpea ? Tous les professionnels du milieu savaient. » Alors pourquoi ne parlent-ils pas ? Parce qu’ils savent qu’ils ne seront pas suffisamment entendus, parce que la parole ne se libère pas quand on est seul. Mes chers collègues, ne les laissons plus seuls ! », manifeste Laure Lavalette.
En effet, plusieurs députés, majoritairement ceux du Rassemblement national, ont annoncé être en faveur d’une proposition de loi pour le contrôle et la surveillance sur les conditions de vie et la maltraitance dans les Ehpad ou les établissements d’aide sociale à l’enfance (ASE).
Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement National, s’est elle aussi exprimée sur sa volonté d’organiser des contrôles aléatoires et improvistes dans les établissements médico-sociaux. « Nous proposons de vérifier la maltraitance en pratique et en personne, je pensais que tout le monde serait d’accord avec ça. »
Nous proposons de donner aux parlementaires un droit de visite (sans prévenir) dans les EHPAD et dans les ASE, pour contrôler, en pratique et en personne, la maltraitance dans ces établissements. Je pensais que tout le monde serait d'accord avec cela… pic.twitter.com/BzuVvQiVD3
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) January 12, 2023
Comme chaque débat parlementaire, les avis divergent et les mots fusent. Fabien Di Filippo, membre du groupe Les Républicains, conteste cette proposition de loi : « Les Ehpad ne sont pas des lieux privatifs de liberté ! ». En effet, cette possibilité pour les parlementaires de visiter sans prévenir des établissements est pour l’instant existante uniquement dans les lieux de privation de liberté, comme les prisons.
Les mesures déjà instaurées
Des mesures semblables mais pas aussi radicales avaient déjà été mises en place notamment en juillet 2019, avec un rapport sur l’aide sociale à l’enfance présenté par Alain Ramadier et Perrine Goulet. Un rapport exigeant « un droit de visite législatif dans les structures de la protection de l’enfance ». Une proposition qui avait été reprise lors de la discussion en 2021 du projet de loi relatif à la protection des enfants.
Le Gouvernement avait d’ailleurs accepté le principe d’une visite parlementaire sous plusieurs conditions : informer le conseil départemental en respectant un délai de prévenance. La proposition est finalement tombée à l’eau lors de la navette parlementaire.
Concernant les Ehpad, une proposition de loi transpartisane avait été déposée en février 2022 par Christine Pires Beaune, pour le contrôle et la surveillance de la maltraitance dans les établissements pour les personnes âgées dépendantes.
« Nous prévoyons que les visites puissent s’effectuer à tout moment et sans préavis. Il nous semble évident que seul un contrôle inopiné permet de voir comment les choses fonctionnent vraiment dans un établissement. Nous voulons que les parlementaires découvrent la véritable situation, et non pas celle que l’on voudrait leur montrer », annonce Laure Lavalette.
Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, tente d’apaiser les contradictions et se positionne sur la situation. Après le scandale de l’affaire Orpéa, le Gouvernement avait lancé une opération « coup de poing ». Un plan visant à contrôler d’ici à deux ans, 7 500 Ehpad. Au printemps 2022, 400 inspections et contrôles physiques ont été réalisés, ciblant les Ehpad du groupe Orpéa. Depuis février, 1 400 contrôles ont été effectués, avec des missions déployées sur place.
« Oui, contrôler des structures qui accueillent des publics vulnérables est un métier à part entière. Pour être efficaces, ces contrôles nécessitent certains prérequis, dont les parlementaires et journalistes ne disposent pas. », explique Jean-Christophe Combe.
En clair, le ministre ne souhaite pas imposer de contrôle surprises dans les Ehpad, pour préserver la vie intime des résidents.
« L’instauration d’un droit de visite inconditionnel des parlementaires ne répond en rien, je dis bien en rien, aux attentes des collectifs de familles, avec lesquels j’échange très régulièrement. Je connais leurs demandes : ils veulent que les pouvoirs publics fassent respecter les règles existantes dans l’écosystème, que les autorités de contrôle soient au rendez-vous ; surtout, que l’on écoute et entende mieux les personnes. »