Lors d’un discours prononcé le dimanche 27 février 2022, en présence de son ministre de la défense Sergueï Choïgou et de Valeri Guerassimov, chef d’état-major de l’armée russe, Vladimir Poutine a « ordonné » de mettre les forces de dissuasion nucléaires russes en état d’alerte.
L’Europe en alerte
La force de dissuasion nucléaire aurait été placée en alerte face au soutien de l’Occident, mais surtout de l’OTAN envers l’Ukraine. Possédant environ 6300 ogives nucléaires, dont presque 2000 déjà en service, la Russie se veut être la première puissance nucléaire mondiale. En comparaison, les États-Unis possèdent 5600 ogives, c’est 350 pour la Chine, de son côté la France en compte 300 tandis que le Royaume-Uni en possède 230.
Réelle menace ou un coup de bluff de la part du président russe ?
L’arme nucléaire a pour but premier la dissuasion de toute attaque. Sur TMC, François Hollande a affirmé que Vladimir Poutine essaie « de créer un climat pour faire peur, pour impressionner » et ce ne serait que du « bluff« . L’ancien président rebondit immédiatement sur le fait qu’il y aurait « une réaction nucléaire en Europe de la part de la France et du Royaume-Uni, mais aussi de la part des États-Unis ».
« Il sait parfaitement que s’il devait utiliser l’arme nucléaire, il y aurait en réponse une réaction américaine et des pays qui disposent de la force de dissuasion en Europe, c’est-à-dire la France et le Royaume-Uni. Une réaction extrêmement forte et qui engendrerait des dégâts considérables. »
Il n’est pas le seul à penser cela. Le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, affirme que l’Alliance atlantique (entendre l’OTAN) est « une alliance nucléaire », en réponse au président russe qui expliquait que les nations s’opposant au conflit risquaient des « conséquences que vous n’avez encore jamais connues ».
Le bluff est ce qu’il y a de plus probable pour les experts. En effet, la mise en alerte aurait seulement pour but de rappeler la puissance de feu dont dispose la Russie et de rappeler aux pays qui se sont vus intervenir dans le conflit de tenir leurs armées respectives loin du conflit ukrainien. L’usage nucléaire serait justifié selon la Russie dans seulement quatre hypothèses : des tirs de missiles balistiques contre la Russie ou un allié ; l’usage d’une arme nucléaire par un adversaire ; une attaque contre un site d’armement nucléaire russe ou une agression contre la Fédération de Russie.
L’Allemagne et la Belgique restent toutes deux sur leurs gardes et affirment que le danger reste grand. Les États-Unis sont eux en « alerte », liés indirectement au conflit, notamment via l’OTAN. Il a été jugé « inacceptable et irresponsable » par Washington de recourir à la menace nucléaire, ce qui emmène à se demander si le lancement du feu nucléaire est possible.
Très peu d’éléments tendent à prouver une réelle volonté de la part du président russe d’utiliser l’arme nucléaire. Cela dit, et contrairement à la majorité des avis, Nikolai Sokov avertit l’OTAN et tous les pays d’Europe qu’un climat d’incertitude va s’installer durant ce conflit. Il ajoute que désormais, il faudrait voir le président Poutine comme « imprévisible, dangereux et prêt à tout moment à brandir et utiliser l’arme nucléaire » s’il y avait une intervention européenne ou transatlantique dans le conflit.
Vladimir Poutine a-t-il le pouvoir de lancer le feu nucléaire ?
L’utilisation de la bombe atomique ne se réalise pas si facilement. La Constitution de la Fédération de Russie de 1993 ne donne pas l’autorité au président russe de déclencher indépendamment le lancement de l’arme nucléaire. L’aval de Sergueï Choïgou et de Valerie Guerassimov est nécessaire pour que l’alerte devienne alors, une véritable menace.
Pavel Podvig, un expert de l’armée russe travaillant à Moscou pour le centre de réflexion Riddle, affirme à son tour que l’utilisation de l’arme nucléaire resterait seulement hypothétique et que les membres de l’armée ne seraient pas à ce point « ni fous, ni fanatiques ». Affirmant l’hypothèse que cela n’est sûrement qu’un moyen de faire pression sur le gouvernement ukrainien.
« Je ne suis pas sûr que toute l’armée soutienne Poutine. Ils (les militaires) ne sont ni fous ni fanatiques. Mais nous ne pouvons deviner si l’armée exécutera un ordre d’utiliser l’arme nucléaire », assure Pavel Podvig.