La Première ministre Elisabeth Borne a choisi de recourir à l’article 49.3 pour faire passer la réforme des retraites au Parlement, sous les huées des députés. Sans majorité à l’Assemblée pour son projet de loi, le gouvernement a été contraint de bloquer la procédure et d’engager sa responsabilité.
L’exécutif avait laissé entendre qu’il ne préférait pas utiliser l’article 49, alinéa 3 de la Constitution dans le cadre du projet de loi de réforme des retraites. Si ce recours était pressenti en cas de vote défavorable ce jeudi à l’Assemblée nationale, il aura in fine vu le jour avant le scrutin. Au cours du conseil des ministres organisé préalablement à l’Elysée, le Président Emmanuel Macron a encouragé la cheffe de son gouvernement, Elisabeth Borne, à dégainer le 49.3 afin de prévenir l’échec attendu de l’adoption de la réforme. Cette procédure a empêché les députés de se prononcer sur le sort du système de retraites, mais ils pourraient riposter par l’intermédiaire d’une motion de censure, déposée vendredi et votée lundi.
La Première Ministre n’en est pas à son coup d’essai. Elle avait déjà recouru plusieurs fois à cet article constitutionnel lors du traditionnel vote pour le budget, fin 2022. Pendant ce temps législatif, l’usage répété du 49.3 est autorisé, mais Elisabeth Borne et ses ministres n’entendaient pas couper court au débat parlementaire et démocratique pour l’examen de ce PLFSSR (projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif). La réforme, portant sur le régime de retraites par répartition, était très impopulaire – 93% d’actifs, 70% des Français opposés – et mal expliquée par ses défenseurs dans le camp présidentiel. Après le mensonge d’une pension minimale à 1200€, d’un maximum de 43 ans de cotisations, la majorité est au pied du mur.
Emmanuel Macron réduit à passer en force
Le chef de l’État avait convié les ministres lors d’un conseil extraordinaire, avant la tenue prévue des débats à l’Assemblée dans l’après-midi. Selon les informations de BFM TV, E. Macron aurait donné son accord à Elisabeth Borne pour l’utilisation du 49.3. La Première ministre s’est rendue ensuite au Palais-Bourbon pour annoncer l’adoption du projet, sous les huées de l’opposition (NUPES et RN) et les applaudissements de ses rangs. Les députés insoumis ont chanté les couplets de La Marseillaise, couvrant le discours de la dirigeante de l’exécutif. Ils ont également brandi des pancartes de contestation à la réforme – action interdite par le règlement. Au bout de quelques minutes, la séance a été levée par la Présidente de la Chambre basse.
🔴⚡️ « Parmi vous tous, je ne suis pas celui qui risque sa place ou son siège. Mais je considère qu’en l’état, les risques financiers, économiques sont trop grands. Et je vous autorise donc à utiliser le 49.3 » a expliqué Emmanuel Macron en conseil des ministres.
/ @BFMTV pic.twitter.com/9AfJK1XjsO
— Élections 202(2) (@2022Elections) March 16, 2023
Ce scénario s’est produit en raison du risque pour la majorité (relative) d’être mise en minorité sur le vote de quelques députés LR. Voyant la tendance aller dans le sens d’un rejet, Emmanuel Macron a accéléré la procédure et a engagé sa responsabilité. La barre des 10 recours au 49.3 a été dépassée aujourd’hui, le 11e depuis le début du second quinquennat du président, le 100e dans l’histoire de la République. Mis à part Michel Rocard qui en totalisait 28 sous le deuxième mandat de François Mitterrand, le gouvernement Borne est numéro 2 sur la liste du plus grand nombre d’utilisations de l’article.
🇫🇷 FLASH | Début de séance difficile à l'#AssembléeNationale où Elisabeth #Borne a été accueillie sous les huées de la gauche avec des pancartes "64 ans c'est non", alors qu'une Marseillaise a été entamée. #RéformedesRetraitespic.twitter.com/Rt9f8mPtir
— Cerfia (@CerfiaFR) March 16, 2023
Une mobilisation immédiate annonçant la poursuite du bras de fer
Quelques manifestants s’étaient donné rendez-vous à côté du Palais-Bourbon en début d’après-midi, mais les autres contestataires n’ont pas pu les rejoindre après l’entérinement du projet de loi. En effet, les forces de l’ordre ont bloqué le pont qui fait la jonction entre Palais et la place de la Concorde, si bien que les personnes opposés à la réforme (et au 49.3, 75% des Français étaient contre) se sont regroupées devant le barrage de police, drainant de milliers d’autres avec eux. La foule s’est progressivement densifiée sur la place avant que, vers 20h, des bombes lacrymogènes et canons à eau ne soient employés pour repousser la foule. Le mouvement s’est alors dispersé, s’ensuivant de quelques manifestations marginales dans la capitale.
Ailleurs en France, beaucoup de personnes se sont rassemblées dans les grandes et plus petites villes, en signe de protestation. Les syndicats ont aussi rapidement réagi dont la CFDT qui, selon son secrétaire général Laurent Berger, était prêt à accepter l’adoption de la réforme. Mais son hostilité au 49.3 l’a résolu à continuer la mobilisation avec les autres forces en présence. Le jeudi 23 mars, une semaine exactement après cette journée historique, seront organisées grèves et contestation de la réforme des retraites par le front intersyndical. Ci-dessous le communiqué du syndicat FO qui sera aux côtés d’autres organisations pour demander le retrait du projet gouvernemental. Si l’exécutif ne le retire pas, il sortira quand même affaibli par ces mouvements.
L’intersyndicale mesure avec gravité la responsabilité que porte l’exécutif dans la crise sociale. Elle appelle à des rassemblements syndicaux ce week-end et à une nouvelle grande journée de grèves et manifestations le jeudi 23 mars prochain. pic.twitter.com/apJr89zaQW
— force_ouvriere (@force_ouvriere) March 16, 2023