Après l’adoption de la réforme des retraites par 49.3 jeudi, l’opposition à l’Assemblée pouvait encore faire tomber le gouvernement et provoquer le retrait du projet. Il s’en est fallu de peu pour que la motion déposée par les centristes passe aujourd’hui.
Neuf. C’est le nombre de députés qu’il a manqué au vote ce soir pour que l’exécutif soit renversé. Les discussions ont commencé au Palais-Bourbon en milieu d’après-midi, vers 16h. Deux heures plus tard, les présidents de groupe à l’Assemblée nationale ainsi que la Première ministre Elisabeth Borne achevaient leurs discours. Malgré un post prématuré (mais annonciateur) de France Info de l’échec de la motion transpartisane, le suspense était entier pendant la demi-heure où les bulletins ont été collectés. Et pour cause, la censure a finalement été rejetée à moins d’une dizaine de voix. En conséquence, le gouvernement est maintenu, et la réforme des retraites entérinée par le véhicule législatif.
La projet de loi est encore révocable par le Conseil Constitutionnel – qui a été saisi – tant que le président de la République n’a pas promulgué le PLFSSR. L’opposition, à laquelle le dépositaire de la motion de censure LIOT s’est greffé, compte désormais sur le conseil des sages mais surtout sur la rue. Les manifestations populaires sont légion depuis le passage en force de la réforme via l’article 49 alinéa 3 de la Constitution il y a quatre jours. Une mobilisation massive, appelée par l’intersyndicale, est attendue jeudi. Cette pression supplémentaire sur Emmanuel Macron vise à lui faire retirer le texte, comme cela a fonctionné pour le Contrat premier embauche (CPE) en 2006 ou la précédente réforme des retraites en 1995.
Le destin entre les mains des Républicains
Le patron du parti LR Eric Ciotti avait appelé à ne pas déposer, signer ou voter de motion de censure suite au 49.3 de la Première ministre. Il avait déjà décidé d‘exclure les dissident de ses rangs qui se prononceraient contre le vote de la réforme, radiant de facto le numéro 2 des Républicains Aurélien Pradié. Le député du Lot a rappelé sa désapprobation de la réforme en disant « Oui » à la motion aujourd’hui. L’effectif considérable de LR opposés à la réforme à l’Assemblée était la raison du passage en force d’Elisabeth Borne jeudi, laquelle jugeait que « le compte n’y était pas ». Ce soir, 19 sur les 61 élus de droite ont tranché pour la censure du gouvernement.
« Il est évident aujourd’hui que le gouvernement a un problème de légitimité, que le président de la République ne peut pas rester spectateur de cette situation. Le premier acte de courage d’[E. Macron], c’est de retirer ce texte, de remettre tout le monde autour de la table, que nous retravaillions une nouvelle réforme des retraites », a déclaré M. Pradié après rejet de la motion. Il a ajouté que « cette loi sur les retraites est empoisonnée […] Ce texte est devenu un boulet pour notre vie démocratique ».
Si 29 députés Républicains (un nombre qui aurait pu s’afficher si le vote final du texte élaboré par la CMP avait eu lieu) avaient été favorables à la motion de censure, cela aurait constitué un scénario rare dans l’histoire de la Ve République. Jusqu’à présent, une seule a été approuvée. C’était en 1962, sous la présidence de Charles de Gaulle. Le général voulait alors changer le mode d’élection du Chef d’Etat en suffrage universel direct, un projet de loi rejeté par son gouvernement qu’il a été contraint de dissoudre. Aujourd’hui, neuf voix uniquement ont fait défaut, mais elles auront montré la fragilité de l’exécutif et ses difficultés à gouverner dans une Chambre basse du Parlement où il est minoritaire.
« Dans un esprit de cohérence, notre famille politique a refusé de s’associer à un chaos inévitable si cette motion avait été adoptée », a soutenu le président des Républicains (LR) et député des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti.
Sans le soutien d’Eric Ciotti, représentant d’une droite en accord avec le recul de l’âge légal de départ à la retraite (64 ans), Elisabeth Borne aurait été piégée par sa majorité relative. Au Sénat, en revanche, le dauphin des primaires et patron des troupes LR en Chambre haute, Bruno Retailleau, s’est révélé plus fédérateur. Que ce soit pour le vote de la réforme en première lecture ou après modification par la Commission mixte paritaire, les sénateurs Républicains ont largement validé la réforme.