À l’occasion de l’hommage rendu hier à la militante féministe Gisèle Halimi, le président de la République a fait une annonce notable : l’inscription constitutionnelle, d’ici quelques mois, de l’IVG. Les modalités restent encore indéfinies.
Conformément à la proposition de loi initiale du groupe parlementaire insoumis (soutenue par la majorité à l’Assemblée), le vote favorable passé ensuite au Sénat pour l’inscription de l’IVG dans la Constitution sera bientôt appliqué. Le Président a fait écho à ce projet dans son discours d’hommage à Gisèle Halimi le mercredi 8 mars, Journée internationale des droits des femmes. Très vite, dans sa prise de parole, il a fait résonner les travaux de l’avocate anticolonialiste et antiraciste avec la loi Veil, qu’elle a contribué à faire adopter. Ce texte proposait de légaliser l’interruption volontaire de grossesse – le fameux IVG-, et la perspective de son retrait a incité le gouvernement et autres politiques à le constitutionnaliser.
Gravons dans notre Constitution la liberté des femmes à recourir à l’IVG. pic.twitter.com/EiFZSNgVbw
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) March 8, 2023
Quand l’IVG figurera-t-il dans la Constitution ?
Le gouvernement n’a pas communiqué précisément l’agenda où ce changement serait à l’ordre du jour. Emmanuel Macron a simplement annoncé la présentation « dans les prochains mois » d’« un projet de loi » censé entériner la constitutionnalisation de l’intervention volontaire de grossesse. Ce sera au Congrès, c’est-à-dire à l’Assemblée nationale réunie avec le Sénat, de voter prochainement à Versailles en sa faveur – s’il y a majorité des trois cinquièmes. La Chambre basse s’était prononcée « pour » et la haute également, à la différence que les Sénateurs préféraient la notion de « liberté » que de droit (d’avorter). L’inscription dans la Constitution s’opérera d’une révision de ce texte fondateur, voulu notamment par le ministre de l’Intérieur au sujet de l’accord de Nouméa (Nouvelle-Calédonie).
Une victoire partielle pour les militantes féministes
L’annonce a été naturellement bien reçue auprès des femmes et associations de défense de leurs droits. L’abrogation de l’arrêté Roe vs. Wade en 2022 – qui laisse désormais les États des USA légiférer sur le droit à l’IVG plutôt que le pays – faisait craindre à certaines une répercussion en France. Si le recul d’un droit fondamental est possible dans cette démocratie américaine, la République française n’est pas à l’abri d’un sort équivalent. La modification du terme « droit » en « liberté » d’avorter ne satisfait pas la proposition de loi originale, et le cadre de la refonte constitutionnelle interroge quant à la nature du projet de loi que Emmanuel Macron soumettra.
« La sincérité de l’annonce d’Emmanuel Macron sera jugée à l’aune du projet de loi qu’il déposera. Soit il essaye de glisser l’IVG dans une série de mesures qui vont diviser celles et ceux qui affichaient pourtant un front commun pour constitutionnaliser l’avortement […], soit il dépose un projet de loi à part entière qui pourrait être adopté par le Congrès avec une formulation de compromis », a déclaré la sénatrice socialiste Laurence Rossignol.
Une mesure pour éclipser le camouflet de l’hommage ?
En organisant cette cérémonie en mémoire de Gisèle Halimi à la Cour d’appel de Paris, le Président E. Macron escomptait probablement la présence de la famille de la défunte. Or, le plus célèbre de ses fils Serge Halimi, directeur emblématique du mensuel Le Monde diplomatique jusqu’à janvier, a décliné la tardive invitation du Chef d’État. Il a argué une instrumentalisation et dépolitisation des combats de sa mère dans un contexte de réprobation sociale des projets gouvernementaux. L’association Choisir la cause des femmes créée par G. Halimi s’est aussi indignée d’une récupération politique en cette date symbolique du 8 mars. Les annonces d’Emmanuel Macron ont pu cependant enthousiasmer des citoyennes initialement peu convaincues par sa démarche.