Depuis l’adoption de la réforme des retraites via le 49.3, plusieurs manifestants ont témoigné de violences par les forces de l’ordre lors des mobilisations contre le projet de loi. Onze enquêtes ont été confiées à la police des polices.
Les vidéos ont fait le tour des réseaux sociaux. Des forces de l’ordre chargeant une foule de manifestants, matraquant à vue et proférant des menaces. Ou pire : un agent assénant un coup au visage d’un jeune homme sans défense, gisant par terre, inerte. L’institution policière, censée encadrer les mouvements sociaux, a été entachée par de nombreuses preuves d’exaction en marge de la mobilisation contre la réforme des retraites. Plusieurs enquêtes ont été ouvertes depuis le 19 janvier 2023, date de la première manifestation d’opposition au projet de loi, et à laquelle un reporter indépendant a été frappé à l’entrejambe alors qu’il était déjà au sol. Onze sont actuellement en cours.
un membre de la #BRAV vient de mettre une droite à un manifestant #ReformeDesRetraites #directAN #greve20mars #manif20mars #Manifestations #MacronDestitution #MotionDeCensureTransPartisane #Borne #Macron pic.twitter.com/PQPn4n6fuG
— Timothée Forget (@xztim_) March 20, 2023
Des policiers dépassés
Que les forces de l’ordre soient déstabilisées lors des manifestations spontanées, c’est une chose. Mais les abus observés (arrestations arbitraires, nasses, violences gratuites) inquiètent, alors que les agents et les agentes sont supposés protéger la population. La vidéo d’un internaute montre notamment que des gendarmes intervenant auprès de leurs homologues de la police pour rappeler que l’usage des gaz lacrymogènes doit être justifié. Et cela s’est en plus déroulé lors d’une manifestation organisée par l’intersyndicale, le jeudi 23 mars, en réaction au recours de l’exécutif à l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer la réforme des retraites.
De fait, la plupart des supports photo et vidéos attestant de ces violences montrent un usage outrancier des bombes « lacrymo », de grenades de désencerclement ou autres armes (tonfa, matraque…). Comme rapporté par l’AFP, la mère d’une lycéenne de 15 ans a déposé plainte après qu’elle a reçu un projectile sur le front, qu’elle pense être d’origine policière, le 11 mars près de la place de la Bastille, à Paris. Cette blessure lui a valu trois jours d’incapacité totale de travail (ITT).
Une institution mise en cause
La violences des affrontements des policiers envers les manifestants a interpellé beaucoup d’associations internationales, le Conseil de l’Europe, la Ligue des droits de l’Homme, Amnesty International, Human Right Watch, le rapporteur des Nations Unies, Reporters sans frontières, etc. Le préfet de police de Paris Laurent Nunez a prétendu que les nasses – méthode d’encerclement – étaient autorisées alors qu’elles ont été interdites par le Conseil d’Etat en 2021. Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a reconnu, dans l’émission « Quelle époque ! » sur France 2 samedi soir, que des arrestations préventives avaient été menées avant les manifestations, alors qu’elles aussi sont prohibées.
« Il y a eu onze enquêtes de l’inspection générale de la police nationale sous l’autorité des magistrats qui ont été ouvertes depuis une semaine. Il se peut que, individuellement, les policiers et les gendarmes, souvent sous le coup de la fatigue, commettent des actes qui ne sont pas conformes à ce qu’on leur a appris à l’entraînement et à la déontologie », a déclaré Gérald Darmanin sur CNews, précisant qu’il possible « dans ces cas-là [de] les sanctionner ».
L’usage excessif de la force par les policiers fait débat à mesure que les cas de débordement se multiplient. Jeudi dernier, une assistante (AESH) a perdu un doigt pendant une manifestation. Selon le syndicat Sud-Rail, un militant aurait également perdu un œil. Le silence autour de ces agressions, et leur légitimation par « la fatigue » selon l’Intérieur posent beaucoup de questions dans le cadre d’un Etat de droit. D’autant plus que, le week-end dernier, des centaines d’opposants aux mégabassines ont été blessés par des voltigeurs à Saint-Soline (Deux-Sèvres) pour avoir défendu un projet en principe illégal et aberrant écologiquement. Cette brigade, dissoute après l’assassinat de Malik Oussekine en 1986, a été réintroduite pendant la crises des gilets jaunes.