Afrique du Sud : Un tribunal révoque les droits d’exploration pétrolière et gazière de l’entreprise Shell. Une « victoire pour la planète ».
Un tribunal sud-africain a interdit à Shell de rechercher des combustibles fossiles le long de la côte sauvage du pays. Une décision saluée par les militants écologistes comme une « victoire massive » pour la planète.
L’année dernière, le géant pétrolier Shell a annoncé qu’il commencerait à chercher des réserves de pétrole et de gaz au large de la côte orientale de l’Afrique du Sud. Le gouvernement avait accordé à la société des droits d’exploration en 2014, et les avait renouvelés en 2021.
En vertu de cette décision, Shell pouvait procéder à des explosions sous-marines pour localiser des réserves de pétrole et de gaz en eaux profondes. Mais les plans de l’entreprise ont rencontré une opposition farouche sur le terrain, et les militants ont porté l’affaire devant les tribunaux.
Jeudi, la Haute Cour du Cap a révoqué les droits d’exploration de Shell, jugeant qu’ils avaient été accordés illégalement. Sustaining the Wild Coast, l’une des organisations ayant porté l’affaire en justice, a qualifié cette victoire de « massive » et « pour le bien de tous« .
« Permettre à Shell et au gouvernement de poursuivre l’exploration du pétrole, du gaz et d’autres combustibles fossiles serait préjudiciable à la vie de tous et à la vie de la planète« , a déclaré Sinegugu Zukulu, responsable du programme Sustaining the Wild Coast. Il a ajouté : « Gagner signifie une vie durable sur cette planète« .
Greenpeace Afrique a salué cette victoire comme une « victoire massive pour les communautés locales« .
A reason to celebrate: The authorisation of the Oil and Gas exploration off the Wild Coast in South Africa has been set aside by the courts in #Makhanda ✊✊✊✊
This decision affirms the value of nature, and protects our communities and their resources for future generations. pic.twitter.com/0Wsh6s49wD
— Natural Justice (@naturaljustice) September 1, 2022
Quels sont les effets sur la vie marine ?
Pour chercher du pétrole et du gaz, les géants des combustibles fossiles utilisent une technique appelée « dynamitage sismique« . En tirant des canons à air comprimé de grand volume sur le fond marin, les entreprises peuvent cartographier le plancher océanique.
Shell a prévu de cartographier plus de 6 000 kilomètres carrés de fonds marins sud-africains de cette manière. Mais les dégâts potentiels sont extrêmes. Les explosions sous-marines génèrent de fortes émissions d’ondes de choc qui pénètrent à travers trois kilomètres d’eau et 40 kilomètres dans la croûte terrestre sous le fond marin.
Ces explosions assourdissantes peuvent « perturber, blesser et tuer » la vie marine, selon l’ONG américaine The Centre for Biological Diversity.
Ils ont insisté : « Chez les mammifères marins, les explosions – qui atteignent plus de 250 décibels et peuvent être entendues à des kilomètres à la ronde – peuvent provoquer une perte d’audition, perturber des comportements essentiels comme l’alimentation et la reproduction, et masquer les communications entre les baleines et les dauphins.«
De plus cette partie de la côte est l’une des meilleures destinations au monde pour l’observation des baleines. Les baleines franches australes et les baleines à bosse migrent vers les eaux plus chaudes de l’Afrique australe entre juin et décembre, pour s’accoupler et élever leurs baleineaux. Des groupes de dauphins nagent dans la région toute l’année.
Le dynamitage sismique est une condition préalable à tout forage pétrolier et gazier, qui a des conséquences environnementales encore plus néfastes. Outre l’augmentation des émissions, cette pratique comporte également un risque de déversement de pétrole. Par extension, la décision du tribunal exclut toute possibilité d’exploitation minière sur la côte.
Pourquoi Shell a perdu le jugement
Les requérants ont fait valoir que Shell s’était vu accorder des droits d’exploration de manière illégale.
Ils ont souligné qu’il n’y avait pas eu de consultation des communautés concernées et que les décideurs n’avaient pas tenu compte des dommages potentiels aux moyens de subsistance des pêcheurs locaux et aux droits culturels et spirituels.
Ils ont aussi fait valoir que la décision n’a pas non plus tenu compte de la contribution de l’exploitation pétrolière et gazière au changement climatique. Le tribunal a donné raison aux requérants sur tous les points.