Lundi 7 août ont été dévoilés les nouveaux manuels d’histoire russe, à destination des lycéens de 10e et 11e classes (15 à 17 ans). Au menu cette année, la glorification de « l’opération militaire spéciale » de la Russie en Ukraine.
Sergueï Kravtsov, actuel ministre de l’Education russe, a annoncé la couleur. « Il est très important que des faits fiables soient enseignés à l’école et que les enfants se souviennent toujours de la grande histoire de notre pays », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse le 8 août. Ces nouveaux manuels – intitulés « Histoire de la Russie » – seront sur les tables des lycéens à partir du 1er septembre, « y compris dans les écoles du Donbass, des oblasts de Zaporijjia et de Kherson », souligne l’Administration de la municipalité du district urbain d’Abdulinsly, situé au sud du pays, sur le réseau social « VKontakte ».
Mais cette année, la guerre en Ukraine y occupe une part importante : 27 pages. À la page 390, dans le chapitre « la Russie aujourd’hui », on peut retrouver l’histoire de « l’opération militaire spéciale ». En dessous, une question : « Quelles raisons ont forcé la Russie à lancer une opération militaire spéciale ? »
Deux images l’accompagnent : une datant de 2014, où l’on peut y voir des drapeaux russes et pancartes en faveur de l’annexion de la Crimée par la Russie. Légendée « Célébration de l’entrée de la République populaire de Louhansk en Russie », l’autre image capturée en 2022 fait face à celle de 2014 et montre une banderole tenue par des manifestants, qui lit : « Ensemble pour toujours ! Le choix du peuple ! Donetsk, Louhansk, Zaporijjia, Kherson, Russie ! ». Pas une seule mention du mot « guerre » (« война» en russe). « Ils [les Russes] ne peuvent pas reconnaître cette guerre à grande échelle, eux qui ont subi un lavage de cerveau. », dénonce Roma, un habitant de Kyiv, la capitale ukrainienne.
Poignées de mains avec Poutine
Des mots-clés parsèment la page (« décommunisation, opération spéciale militaire en Ukraine, accords de Minsk »). Que du contenu visant à renforcer le patriotisme, même chez les plus jeunes. Après le début de l’invasion en Ukraine début 2022, le système éducatif russe avait introduit à l’école un cours intitulé « Conversations au sujet de choses importantes », pour éveiller ce patriotisme.
Plus loin dans le manuel – principalement écrit par Vladimir Medinsky, assistant de Vladimir Poutine et président de la Société historique militaire russe – on peut y voir une image de Vladimir Poutine serrant les mains des quatre gouverneurs des régions d’Ukraine illégalement annexées par la Russie, en septembre 2022. « Les jeunes Russes ne comprennent que partiellement ce qui est en train de se passer, mais malheureusement, les plus vieilles générations ne comprennent pas du tout. Même mes proches en Russie ne me croient ni moi, ni ma famille, poursuit Roma. Chaque histoire vraie que je leur raconte sur ce qu’il se passe à l’intérieur de mon pays, ils ne veulent pas l’accepter ».
« Un pays d’opportunités »
Un manuel au contenu pro-Russe, certes, mais qui profite aussi au pouvoir pour mieux faire passer sa propagande. « Des moments aussi uniques ne se produisent pas souvent dans l’histoire. Avec le départ des entreprises étrangères, de nombreux marchés s’ouvrent à vous […] La Russie d’aujourd’hui est vraiment un pays d’opportunités », peut-on lire.
Du côté du pouvoir, on en profite aussi pour en remettre une couche : « Si vous cherchez en ligne des informations sur ce qui se passe actuellement en Ukraine, n’oubliez pas que l’industrie mondiale des clips mis en scène, des faux, des photos et des vidéos truquées fonctionne à plein régime », ajoute Sergueï Kravtsov. Le manuel aussi couvre des sujets tels que les relations entre la Russie et l’Occident au début du 21e siècle, la « pression des Etats-Unis », la « falsification de l’histoire » et le « renouveau du nazisme ». Il affirme notamment que « l’idée fixe » des pays occidentaux était de « déstabiliser la situation à l’intérieur de la Russie ».
Alors que des milliers d’écoliers russes parcourront 27 pages de propagande russe au sujet de l’Ukraine à partir de la rentrée prochaine, la population russe, elle, s’interroge sur un tout autre sujet : Pourquoi les manuels scolaires ont-ils réécrit l’histoire soviétique des années 1970 et 1980 selon de nouvelles interprétations ? Deux salles, deux ambiances.
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