La réforme des retraites portée par le gouvernement depuis lundi à l’Assemblée nationale renferme quelques points à éclaircir. La perspective d’une hausse des revenus à minimum 85% du Smic ne vaut pas pour tout le monde.
Une des mesures phares pour faire passer la réforme du système des retraites n’est peut-être pas si solide. Le projet du gouvernement, ébauché et porté par le Président Emmanuel Macron pendant sa campagne pour sa réélection l’année dernière, prévoyait la valorisation de la pension minimale à 1200€. Cet élément du texte apparaissant comme un progrès social visait à contrebalancer le point principal, moins populaire : le recul de l’âge légal de départ à 65 ans. Ce seuil, abaissé récemment à 64, est un des points de crispation d’une majorité de Français, représentés par l’opposition de gauche.
Dans ce contexte d’inflation (6% depuis un an) qui ne refluera pas de sitôt, l’augmentation du pouvoir d’achat est essentielle. Aussi le passage des revenus des retraités à 85% du Smic (1353€, augmenté 3 fois depuis le début de l’inflation) au 1er septembre prochain avait-il de quoi rassurer une opinion plutôt défavorable. L’économiste Michaël Zemmour, très actif dans son décryptage de la réforme, conteste cependant l’uniformité de cette innovation. Depuis quelques semaines, le maître de conférences à l’université Paris 1 fait le tour des plateaux de journalistes pour expliquer les subtilités qui subsistent dans ce projet complexe.
1200€ pour tout le monde, vraiment ?
Sans s’appesantir sur les régimes spéciaux (également présents dans la réforme, permettant de partir plus tôt que l’âge minimum et le nombre total de trimestres requis), la retraite des gens appartenant au régime général évoluera si le projet est adopté. Toutes les pensions validées par une carrière complète seront valorisées pour les actuels et futurs retraités, mais pas comme le gouvernement le présentait dans les grandes lignes.
« Certains ont compris que tout le monde aurait au moins 1 200 euros. C’est totalement faux », Michaël Zemmour.
Il faut déjà préciser que les prévisions de 85% de l’exécutif reviendraient à un revenu un peu inférieur à 1200€, une différence non-négligeable. Ensuite, il faut préciser que ces derniers concerneront en fait le minimum contributif, indexé sur le Smic et plus sur l’inflation. Appelé (Mico), il est destiné aux retraités qui ont cotisé sur de bas salaires. Le Mico va actuellement aux retraités touchant une pension de base de 684€. Sa majoration, pour les travailleurs avec 120 trimestres, est fixée à 748€. Si la pension totale dépasse les 1310€, le retraité n’y est plus éligible
Le gouvernement propose de rehausser le minimum contributif de 100€ (25€ pour le Mico de référence et 75€ pour le majoré, soit 848€ au mieux) et, cumulé avec les pensions complémentaires, l’ensemble pourrait revenir à des revenus avoisinant les 1170€ bruts. Cette somme peut être en plus soumise aux prélèvements sociaux comme la CSG. Ce n’est pas tout, car les retraités n’ayant pas justifié 120 trimestres de cotisation ne verront pas les 1200€ évoqués puisque leur Mico ne sera pas majoré. Celui-ci sera d’ailleurs réduit sur une base de proportionnalité pour ceux ayant des trimestres manquants. Alors non, minimum 1200€ c’est bien faux.
Comment fonctionnent les retraites ?
En France et depuis 1946, les travailleurs ayant justifié une carrière complète (à temps plein, les interruptions devant être comblées ou faire l’objet d’aménagements) peuvent percevoir une pension de retraite. C’est un revenu conféré par de nombreux trimestres de cotisation – entre 166 et 172 selon l’année de naissance, soit entre 41,5 et 43 années au total. Ceci dans un système basé sur le principe de répartition, c’est-à-dire que les actifs à l’œuvre versent une part de leurs revenus aux retraités qui, quand ils travaillaient, ont eux-mêmes cotisés pour les retraités de l’époque.
Cependant, certains dont les carrières sont hachées ne toucheront pas tout l’argent prévu, ce qu’on nomme la décote, qui est limitée à 67 ans. À partir de cet âge, les retraités touchent forcément une pension à taux plein. Des pensions complémentaires existent en outre pour aider, par exemple, les retraités qui perçoivent un faible revenu. Dans le texte étudié à présent au Parlement, l’exécutif prévoit de faire cotiser pendant 43 annuités minimum en repoussant, désormais, l’âge légal de départ à 64 ans.