À Marseille, des équipes de bénévoles de la Croix-Rouge se relayent chaque jour pour assurer un service 6 jours par semaine, de 19h à minuit. Les bénéficiaires se comptent par dizaines dans les rues et profitent des habits et denrées alimentaires distribuées lors de maraudes.
“Partout, pour tous.” Voici le slogan de la Croix-Rouge et de ses bénévoles qui viennent en aide aux personnes marginalisées et stigmatisées. Tous les soirs, des camionnettes aux couleurs rouges et blanches traversent les arrondissements de la deuxième ville de France à la recherche de bénéficiaires.
Dans ces véhicules, on retrouve systématiquement un chef d’équipe référent de la maraude, un conducteur et un ou deux équipiers. Ce soir, c’est Angélo qui tient les commandes de son petit groupe pour parcourir le 8e arrondissement de Marseille. Ancien militaire aujourd’hui à la retraite, cela fait dix ans qu’il participe aux maraudes de la Croix-Rouge, une à deux fois par semaine. “Notre mission, c’est avant tout le lien social. Préserver les personnes démunies de l’isolement et leur apporter de l’aide quand ils en ont besoin”, confie le père de famille. Il connaît ce quartier comme sa poche et sait exactement où retrouver les personnes sans abri. “S’ils le veulent, on leur apporte des vêtements et de la nourriture. On discute aussi, c’est dans ces moments-là qu’ils retrouvent le sourire”, reprend-il.
Dans son carnet, il recense le nom, prénom, âge et l’emplacement habituel des bénéficiaires qu’il rencontre. Depuis le temps, il en connaît la plupart (ceux qui se situent dans le 8e arrondissement) et les considère comme des habitués. En route depuis une vingtaine de minutes, les premiers visages de bénéficiaires apparaissent sur le trottoir.
“Je n’ai plus personne”
Une femme est assise à même le sol, dans l’obscurité, adossée contre le mur crépi d’un immeuble. Gregory, le conducteur de la camionnette, se gare à quelques mètres sous la recommandation d’Angélo. Équipés d’une veste phosphorescente marquée du symbole de la Croix-Rouge, les deux bénévoles s’empressent d’aller à la rencontre de la cinquantenaire.
Ils apprennent après une courte discussion que cette femme, qui se prénomme Marie-Belle, est sans domicile fixe depuis “quelque temps”. Angélo renseigne dans son carnet le peu d’informations personnelles que la personne dans le besoin ose divulguer. Son témoignage est bref. “Je n’ai plus personne”, déplore la mère de trois enfants, avec qui elle n’entretient plus aucun liens, le visage fermé. Le chef référent de la maraude lui demande alors si elle a déjà été embêtée dans la rue par des garçons. En guise de réponse, un hochement de tête et un regard détourné.
Après quelques minutes d’échanges, Marie-Belle aura droit à un café, un kit d’hygiène et une couverture pour faire face au froid nocturne.
De retour à la camionnette, Angélo témoigne de son expérience en tant que bénévole à la Croix-Rouge. “Tu as des gens qui sont dans la rue par force. Ils ont perdu leur boulot, divorcé, ils ne voient plus leurs enfants. Il y a des femmes aussi qui sont dans la rue. Mêmes critères, et c’est encore plus difficile pour elles”.
Et Marie-Belle est loin d’être la seule dans ce cas. En France, on ne compterait pas moins de 200 000 sans-abris. Et depuis la pandémie, ils sont encore plus nombreux. Alors, pas de temps à perdre : direction Europcar, un lieu de rendez-vous où les bénéficiaires viennent en nombre.
De la soupe et des vêtements
“Vous êtes nos anges !” Arrivés sur place, un sans-abri partage sa joie en voyant le véhicule de la Croix-Rouge se garer. “On a failli attendre“, reprend-il le sourire aux lèvres.
L’équipe de bénévoles sort une table de la camionnette et commence la préparation de soupes et de sacs où ils déposent une madeleine, une compote, une bouteille d’eau et une petite serviette. Les bénéficiaires ont tous le droit à deux soupes chacun, un sac rempli de denrées, un kit d’hygiène et un verre de thé ou de café selon les goûts, le sucre étant rationné à deux carrés par personne.
Une vingtaine de personnes dans le besoin font la queue devant la table pour récupérer au plus vite leur premier bol de soupe, avant de revenir quelques instants plus tard pour le second.
De l’autre côté de la table, Marie sert les bénéficiaires. Elle est la troisième bénévole de l’équipe, pour sa toute première maraude au sein de la Croix-Rouge. L’expérience semble pour l’instant, plutôt réussie. “C’est une révélation pour moi. On se sent utile et on se rend compte du nombre de personnes qui vivent dans la rue”, raconte l’auxiliaire de vie âgée de 30 ans. Elle avait pourtant de l’appréhension au départ, qui s’est vite transformée en motivation. “Prendre une soirée pour les aider, ce n’est rien pour moi, mais c’est beaucoup pour eux.”
Pendant que Marie et Gregory distribuent à manger et à boire, Angélo, lui, donne des t-shirts, caleçons, pantalons et couvertures aux sans-abri qui les réclament. Ces vêtements viennent de dons des Marseillais et d’organismes comme les hôpitaux, qui nettoient les couvertures avant de les donner à la Croix-Rouge.
Il est 23h. Les sans-abris se dispersent les uns après les autres dans les rues adjacentes. Les bénévoles remballent toutes les affaires dans la camionnette, avant de retourner au local de la Croix-Rouge.
Bilan de la soirée : 38 bénéficiaires rencontrés et venus en aide. Une nouvelle équipe prendra le relais demain dès 19h, pour s’occuper d’un nouveau quartier marseillais. L’association compte désormais une nouvelle adhérente, Marie.