Adolfo Kaminsky, photographe et célèbre faussaire, est décédé le 9 janvier à Paris. Il avait œuvré dans la Résistance, la lutte contre le colonialisme et les mouvements fascistes, par la fabrication de faux papiers.
Appelé le « faussaire de Paris », Adolfo Kaminsky, est né à Buenos Aires de parents juifs d’origine russe. Sa famille s’installe en France en 1932. Il travaille d’abord dans une imprimerie, puis dans une teinturerie avant de devenir assistant ingénieur chimiste.
Adolfo Kaminsky, faussaire de la Résistance
Transféré au Camp de Drancy en 1943, sa famille et lui sont libérés une semaine plus tard, après avoir sollicité le Consulat d’Argentine. À 17 ans, Adolfo Kaminsky décide alors de s’engager dans la Résistance et met au profit du mouvement ses talents en matière de décoloration des encres. Sous le pseudonyme de « Jullien Keller », il fabrique de faux papiers d’identité, sauvant des milliers de vies juives.
« J’ai eu la chance de sauver des vies humaines. J’ai travaillé jour et nuit, au microscope », confiait-il à l’AFP en 2012.
Adolfo Kaminksy consacre alors ses jours et ses nuits à l’établissement des ces faux papiers d’identité. « Si je dormais une heure, trente personnes mourraient. De chaque document dépendait la vie ou la mort d’un être humain. Alors j’ai travaillé jusqu’à tomber dans les pommes », confiait-il.
Nous saluons la mémoire d'Adolfo Kaminsky, Juif d'origine argentine, qui vient de s'éteindre à 97 ans. Ce photographe talentueux devint un faussaire de génie, fournissant en faux papiers la Résistance et les Juifs traqués, avant de s'engager après-guerre pour d'autres causes. https://t.co/PhgS2LtZtJ
— Fondation pour la Mémoire de la Shoah (@Fondation_Shoah) January 9, 2023
Dans la lutte contre les mouvements fascistes et colonialistes
Après la capitulation de l’Allemagne nazie, il met son talent de faussaire au service de mouvements antifascistes et anticolonialistes. Avec les faux papiers qu’il fabrique, il aidera les réseaux anti-Salazaristes au Portugal, anti-Franquistes en Espagne, le FLN lors de la guerre d’Algérie ainsi que les déserteurs américains pendant la guerre du Vietnam. Il œuvrera également côtés du mouvement anti-apartheid de Nelson Mandela.
Durant sa carrière de faussaire, il a été très sollicité. Pourtant, il n’a pas toujours accepté de mettre ses talents à profit de certains mouvements, lorsque ceux-ci n’avaient pas pour but l’indépendance de l’Homme. Dans un entretient avec Le Parisien en 2019, Adolfo Kaminsky explique : « Je n’ai jamais accepté d’argent pour des faux papiers. Il y a beaucoup de choses que je refusais. Je ne voulais pas m’embarquer avec Fidel Castro. Mon combat, c’est l’indépendance de l’être humain ».
« Pendant trente ans de sa vie, mon père a fabriqué des faux papiers, jamais pour lui-même, toujours pour les autres, pour venir en aide aux persécutés et aux opprimés », affirme sa fille sans le livre Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire.
Jean-Yves Cousin, maire de Vire, commune dans laquelle Adolfo Kaminsly a passé une partie de son enfant, a tenu à lui rendre hommage. Pour lui, il était « grand, humble, cultivé, discret et d’une humanité profonde, il était le chemin de l’espérance en l’Homme ».
Déjà mis à l’honneur dans une exposition du Musée d’art et d’Histoire du Judaïsme en 2019, son travail de photographe et son activité de faussaire seront exposés au Musée Edmond Michelet à Brive jusqu’au 27 mai 2023.