Située à un peu plus de 1,000 kilomètres du front, la grande ville de l’Ouest n’a pas la même allure que ses consœurs à l’Est. Relativement épargnée depuis février 2022, Lviv vit à un rythme normal.
Il y a foule en gare de Cracovie, en Pologne. Dans le train direction la frontière, des mères de familles et leurs enfants, principalement, rentrent chez eux. La campagne ukrainienne défile sous leurs yeux. En gare de Lviv, des soldats attendent sur le quai leur train qui les emmènera à l’est, comme Igor, qui va à Kramatorsk. Dans l’ensemble, les gens sont plutôt calmes et détendus. Les terrasses sont pleines, les attrapes touristes sur Perspective Svobody (artère principale du centre-ville, NDLR) tournent à plein régime, les couples s’enlacent sur les bancs des parcs publics – quelques fois interrompus par les sirènes d’alertes aériennes.
Une dizaine d’heures en voiture du front, mais Lviv reste figée dans le temps. Comme si, un an auparavant, Vladimir Poutine n’avait pas lancé son « opération militaire spéciale ». Qu’en pensent-ils, eux, les habitants de Lviv, de la situation actuelle ? « Ici, tu ne peux pas être sûr à 100% que tu ne vas pas être tué », glisse Angelina, qui travaille dans le développement de jeux mobile. « Mes parents sont restés à Kharkiv. Ils ne veulent pas partir. Mon meilleur ami est au front. On espère tous que cette guerre se terminera cette année ». Par moment, des « Gloire à l’Ukraine ! » immédiatement répondus par « Gloire aux héros ! » sont entonnés dans la rue.
Sacs de sables qui protègent les bâtiments administratifs et culturels, statues enroulées dans du papier en cas de bombardement ennemi : Lviv porte quand même les stigmates de la guerre. Ou encore sur cette vitrine d’un fleuriste l’inscription : « Ne parlez pas la langue de l’occupant. Passez en Ukrainien ». Ça-et-là les trottoirs sont jalonnés de panneaux à l’origine publicitaire, qui diffusent désormais des messages en soutien à l’Ukraine : « L’Ukraine par-dessus tout ! », « Ensemble vers la victoire ! ». Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est dit inquiet que les personnes loin du front commencent à devenir « insensibles aux dures réalités quotidiennes de la guerre ».

Et puis les soldats, les centaines de soldats marchant bras dessus dessous avec leur compagne avant de repartir au front. Il y règne comme un air de 1914. Les stands de tir nichés dans les rues de la vieille ville proposent de tirer sur des cibles avec le visage du chef du Kremlin. À la télévision publique, chaque soir est dressé le bilan des dégâts dus aux bombardements russes tandis que tous les jours, en l’église Saint Pierre-et-Paul, des funérailles de soldats morts au combat sont célébrées. Les tombes du cimetière Lychakiv n’arrêtent pas d’être creusées.
De part sa relative distance du front, Lviv est devenue une terre d’accueil pour les réfugiés en provenance de l’Est. Tous les jours, des trains partent et arrivent en direction de Zaporijia, Kyiv, Kharkiv… Certains d’entre eux se sont installés dans le quartier de Sykhiv, au sud de la ville, dans des maisons modulaires. Les soldats, eux aussi, peuvent bénéficier ici d’un rétablissement comme au centre « Unbroken » – un lieu unique pour les personnes affectées par la guerre.

Dans la salle d’entraînement du centre, Ruslan, 20 ans, a perdu ses deux jambes en marchant sur une mine lors d’échanges de tirs avec les Russes. « On doit continuer à se battre, on n’a pas le choix », lâche-t-il entre deux séries de musculation. Illia Pylypenko, un tankiste de 30 ans, a perdu une jambe et a été brûlé vif lors d’une explosion sur une mine antichar alors qu’il était en mission au front.